Montage d'un spectacle
créé de toutes pièces avec des
élèves de 6ème et de 5ème.
Le
collège Béthune Sully à Henrichemont (18)
Le
collège.
Situé
à une petite trentaine de km au NE de Bourges, le
collège, avec ses 400 élèves est un
établissement qui reste à taille humaine. Diverses
activités sont proposées
le midi aux élèves pour la plupart
demi-pensionnaires.. Il existe notamment depuis plusieurs années
un
club théâtre. Une expérience avec des marionnettes
«maison»
avait déjà été tentée. Pour avoir vu
les marionnettes qui
avaient été faites, je peux dire que les bases
étaient là.
Le projet.
Le
dernier jour de l'année scolaire 2011/2012 je reçois un
appel de
Mme Lebon, professeur de français, qui me demande si je peux
prendre
en charge le montage d'un spectacle avec une quinzaine
d'élèves. Le
projet est subventionné par le C.G du Cher à hauteur de
1500 euros.
Nous discutons de généralités sur les ateliers, de
ce qui est
possible ou au contraire difficilement réalisable. Rendez
vous est pris quelques jours après la rentrèe scolaire.
Lors
de cette
réunion j'ai fait la connaissance de Mme Chabin, la
Conseillère
Principale d’Éducation qui est avec Mme Lebon l'autre
«pilier»
des activités théâtre. Nous avons fait un
état plus « pointu »
de leurs attentes, après quoi, il faut que les
élèves s'inscrivent
et commencent à travailler sur un projet et écrire
l'histoire, en
définir les personnages etc. J'ai également
demandé qu'une fois
les personnages « fixés » les
élèves m'en fassent un
dessin le plus précis possible.
19/02/2013.
Rencontre avec Mmes Lebon et Chabin.
Le
projet est assez bien avancé. À ma grande surprise, je
découvre
que l'histoire, à l'exception de 2 personnages
«humains»,
est totalement «maritime», Et encore, les humains, un
garçon et une fille, sont en fait des sirènes, c'est
à dire
«eux», leurs créateurs, mais avec une queue de
poisson.
Je
récupère les dessins et dans leur immense
majorité, les
personnages sont réalisables tels quels. J'ai déjà
travaillé dans
des écoles maternelles sur le thème d'Arc en Ciel le
poisson, une
énorme partie des patrons est donc disponible.ce qui va
être un
gain de temps non négligeable.
Restera à créer une raie de grande
taille et une langoustine. Un gros mérou sera crée par
transformation du patron de poisson disponible. La pieuvre qui avait
été
réalisée en maternelle demandera juste un agrandissement
du patron
existant. Seul Déchectus, un monstre abyssal et imaginaire sera
créé ultérieurement car il doit ouvrir une gueule
immense pour avaler des
petits poissons et toutes sortes de déchets. Je me chargerai de
sa
fabrication plus tard car avec sa taille de plus d'un mètre il
devra
être posé sur un support permettant de le faire surgir du
fond . Sa
gueule s'ouvrira en tirant une ficelle lui permettant accessoirement
de parler.
Un
problème néanmoins allait surgir du déroulement de
l'histoire et
du nombre de personnes derrière le castelet, Il était
prévu que je fournirai mon castelet de spectacle qui
mesure prés de 5 m
de large avec une ouverture de scène de 3,40 m, mais y faire
tenir
près de 20 personnes s'avérait compliqué.
De
plus, il fallait prévoir un changement de décor pour
passer de la
surface aux abysses, sans compter les accessoires comme la
télé ,et
surtout Déchectus qui mesure prés d'un mètre. En
s'assurant que
l'on disposerait de presque 10 mètres de largeur pour les
représentations, il a été décidé
d'utiliser mes 2 castelets en
les montant en enfilade et en superposant les coulisses à leur
jonction pour gagner un mètre. Ainsi, dans un des castelets se
tiendra la surface, et dans l'autre le monde des abysses. Le passage
de l'un à l'autre sera marqué par les éclairages
et le mètre de
coulisses qui séparera les espaces scéniques.
Les
2 castelets montés en
enfilade. Les coulisses droites de l'un sont recouvertes par les
coulisses gauches de l'autre, ce qui constitue un couloir de 9
mètres de long. Devant, le banc et l'arrêt du bus
pour la partie jouée par les acteurs.
L'histoire.
Après
s'être fait racketter, Antoine, un collégien émet
le souhait
d'être un poisson pour échapper à ses
«tortionnaires». Il
s'endort sur un banc à l'arrêt du bus. Cette scène
est jouée par
des vrais acteurs, devant le castelet.
Le
castelet s'allume et on voit Antoine se réveiller, changé
en
sirène, au milieu de poissons qui attendent leur car pour aller
à
leur collège. Ce monde maritime est une transposition de son
monde
«réel», avec des gentils poissons en surface, et une
bande de
loubards des profondeurs, menés par Déchectus, monstre
hideux et
mangeur insatiable à qui ses sbires amènent
régulièrement des
proies capturées en surface. Ce monde a à sa tête
une reine, la
reine Pieuvra.
L'histoire
est pleine de jeux de mots, de clins d’œil au monde des
collégiens. Ils ont leur service de ramassage scolaire
mené par une
raie (la raie du bus,,,). Monsieur Raie est en même temps leur
professeur. Dans la classe ils ont une télé où
passent des infos,
mais aussi un bulletin météo, des cours de gym et
… des pubs.
Le
kidnapping d'un poisson collégien par les « hommes de
main »
de Déchectus va entraîner Antoine et Mya, une autre
collégienne du
vrai monde elle aussi changée en sirène, dans les
profondeurs
abyssales où ils arriveront à délivrer la victime
grâce à l'aide
et à l'intervention de la reine Pieuvra.
Le
castelet s'éteint, et on retrouve Antoine sur son banc. Il se
réveille et voit arriver Mya. Il est encore partiellement dans
son
rêve, et après une brève discussion quitte la
scène avec Mya.
Etapes
préalables.
Avant
la construction des marionnettes, il me fallait tout préparer.
Les
corps des différents animaux devaient être coupés
et cousus. Quant
aux personnages humains, il y avait des boules de bois à percer,
et
pour toutes les marionnettes des bâtons à couper. Restait
aussi à
créer les patrons de la raie, du mérou et créer de
toutes pièces
une langoustine.qui doit absolument être réalisable par un
élève
qui n'a jamais construit de marionnettes.
Tous
les poissons se ressemblent au fond, mais la langoustine et la
pieuvre sont des modèles totalement à part. Les dessins
des élèves
étaient parfaitement explicites et surtout très
détaillés. J'ai
recherché sur internet une image de langoustine de
profil dont je me suis servi pour créer le patron du corps, des
écailles et des pinces, après quoi je me suis
lancé dans la
construction du modèle qui finalement n'a pas posé de
problèmes,
ni pour la pose des pattes et des antennes, identiques au papillon
qui est un modèle courant pour moi. Le prototype de la
langoustine
posé devant l'élève devait lui permettre de mener
la construction à
bien.
Ce
prototype de langoustine a eu ensuite une utilisation dans le
spectacle qui n'était pas du tout prévue au
départ. J'y reviendrai
plus loin.
Le
prototype de la langoustine. Il faudra juste ajouter des
baguettes pour diriger les pinces.
La
raie. Sa taille a obligé à lui mettre une armature
interne.
Le
mérou et la pieuvre. Elle est assez compliquée à
assembler, mais quand enfin on peut manipuler les fils posés sur
les tentacules et qu'on la voit s'animer, c'est une belle
récompense.
.
19/03/2013
Construction des marionnettes.
Les
élèves concernés par ce projet sont de 2 niveaux,
6ème et 5ème,
et de plusieurs classes. Pour les rassembler sur une journée
complète, il a fallu organiser des «séances
de rattrapage»
des cours qu'ils allaient manquer.
La
difficulté principale, c'était de mener de front les
explications
de la construction de modèles différents, des humains,
une pieuvre,
une langoustine et des poissons, mais pour ces derniers, seules la
forme et la taille différaient, Quant à celui qui devait
faire
Déchectus, qu'il était impossible de réaliser
à ce moment là, il
a aidé les uns et les autres.
Certains,
en voyant les tissus que j'avais amenés ont changé d'avis
quant à
la couleur de leur poisson. C'est ainsi que Tétarex qui devait
être
gris, est finalement réalisé dans du tissus imitation
vache, ce qui
sera introduit dans l'histoire où il sera surnommé
« Peau de
vache ».
D'autres
ont fait des poissons plus grands que prévu et on a
manqué de
rhovyl pour finir le bourrage. Une chaîne de volontaires parmi
ceux
qui avaient fini leur travail s'est constituée, et
entraînés par
Mme Chabin et Mme Lebon, ils ont coupé des centaines de petits
morceaux de tissus éponge pour finir de remplir Dents de Sabre,
une
sorte de roussette de prés d'un mètre
réalisée dans un tissus
«léopard» .
La langoustine. Sa constructrice
est occupée à bourrer le corps avec du Rhovyl, le
protoype posé devant elle.
Petite
vue des constructeurs. Au fond, une des 2 marionnettes qui ne soit pas
un animal marin.
Découpage
du corps
de "dent de sabre" qui devait au départ être gris, dans un
tissus "léopard". Une fois fini, c'était une sorte de
roussette magnifique de près d'un mètre de long.
Tétarex.
Lui aussi
devait être gris, il a finalement été
réalisé dans ce tissus. Dans l'histoire, il a alors
été surnommé "peau de vache"
Le mérou. Il
s'appelle Napoléon. Allez savoir pourquoi...
Antoine
et Mya, les 2 seuls
personnages quelque peu "humains". Leur tête est
réalisée avec des pieds de sommier.
La reine Pieuvra. Sous son
bâton, une véritable harpe de fils pour manipuler les
tentacules.
.
Après la
construction.
De
la construction aux premières répétitions, les
élèves ont
continué les lundis et mardis midi à
répéter avec Mmes Lebon et
Chabin. La fin du texte a été écrite et les
dialogues ont
finalement été enregistrés pour ne pas alourdir
l'installation du
castelet en multipliant les micros. D'autre part, les manipulateurs
ont pu se concentrer sur la gestuelle sans avoir à se soucier
d'autre chose.
Puis
vint le moment des répétions
«in-situ». Les rudiments
ont été appris dans l'armature du castelet qu'on montait
vite fait
dans une salle de classe, avant que la Principale, Mme Rein, mette
à
disposition un logement de fonction vide. Le castelet a pu être
monté définitivement avec un accès permanent.
Pendant
ce temps là, les accessoires ont été
créés : la télé dans
un grand carton s'accrochait en haut du castelet et descendait à
la
demande avec des fils de nylon, Déchectus a pris vie, avec
quelques
tâtonnements dus à sa grande taille et aux poissons qu'il
avale.
Lorsqu'il surgit en ouvrant la gueule, il demande 2 manipulateurs.
Des petits accessoires se sont ajoutés au fur et à
mesure, La cage
à profs (si si!), le coquillophone, la coquille St Jacques qui
donne
la météo, les poissons qui défilent pendant le
générique, les
déchets etc.
Le
spectacle a ensuite été présenté 2
fois : le 19 juin à
Achères, à 5 km d'Henrichemont, devant les parents
notamment, et le
25 juin dans le réfectoire du collège, dans le cadre de
la
fête du collège.
Déchectus tout à
la fin de sa construction. Il ne reste plus qu'a lui faire des pupilles
et mettre le support pour le fixer sur le pied.
Apects techniques du
spectacle.
La
logistique du spectacle était assez impressionnante Lors des
représentations, le montage des 2 castelets côte à
cote
constituait un espace scénique de près de 10mètres
de largeur,
Devant, à la jonction des 2 castelets, un banc et un poteau
marquant
l'arrêt du car de ramassage. Cette partie n'était pas
enregistrée
et 2 micros étaient dissimulés pour capter les acteurs.
Derrière,
une caisse posée au sol juste sous l’emplacement de la
télé
servant d'estrade, Déchectus de l'autre coté, et,,,20
personnes.
Malgré les 10 mètres, l'espace était assez
restreint mais les
gestes avaient été répétés pour que
tous les mouvements puissent
se faire sans bruit. Pour la première représentation, Mme
Chabin
était avec moi derrière, pour la seconde, elle a
souhaité le voir
en spectatrice.
Devant
le castelet, à l'arrière du public, 2 équipes
s'occupaient du son
et des éclairages.
Mme
Lebon suivait le texte et s'occupait de la musique et un
collègue
réglait à la table de mixage.
Deux
autres professeurs maniaient les éclairages sur 3 zones :
devant le castelet, la scène du castelet « de
surface »
à gauche, la scène de celui des abysses à droite.
Des
rampes de projecteurs étaient disposés à droite et
à gauche
diffusant un éclairage à dominante jaune et rouge sur la
scène des
abysses et beaucoup plus lumineux pour l'autre castelet et l'avant,
Le financement du
projet.
Le
Conseil Général du Cher avait octroyé une
enveloppe de 1500 euros
pour ce projet, Les 1500 euros ont été
dépensés dans l'achat des
fournitures et le règlement de la prestation du marionnettiste,
Pour
tenir dans ce budget, tout ce qui était existant a
été utilisé. Les
marionnettes ont été réalisées de
manière à ce que le prix de
revient total divisé par le nombre de marionnettes ne
dépasse pas 10
euros. Déchectus à lui tout seul avoisinait les 40
euros !
Mais les poissons « de base » à peine 5.
Les
éléments de décors ont été
réalisés dans du papier fort, genre
«Canson», et épinglés sur des
toiles bleues et
grises. Les accessoires réalisés le plus possible avec de
la
récupération (coquilles Saint Jacques, carton de palette
de
bouteille récupéré chez un vigneron pour la
télé etc... )
Conclusion
Le
secret de la réelle réussite de ce projet est ailleurs
que dans
les finances, même si elles sont indispensables. Il tient dans
l'implication sans limite de tous, et en particulier de Mmes Chabin
et Lebon. Elles ont travaillé sans relâche sur ce projet.
Par
exemple, quand Mme Lebon mixait les bandes-son chez elle le soir, Mme
Chabin a cousu (à la main !) la toile de décor
bleue. La
Principale du Collège a tout fait pour nous faciliter la
tâche.
Et
pour le spectacle proprement dit, d'autres professeurs, dont un de
leurs qnciens collègue à la retraite qui s'est
chargé des éclairages, ont mis toutes
leurs compétences et leur temps à disposition, que ce
soit pour le
montage, le démontage, la logistique etc...
Les
parents des élèves concernés aussi ont
accepté des transports
exceptionnels de leurs enfants pour assister aux
répétitions et se
rendre aux spectacles. Leurs enfants ont par ailleurs accepté
de
faire «des heures supp» 2 vendredis soir pour
répéter.
Même
l'équipe du restaurant scolaire s'est impliquée avec la
meilleure
bonne volonté pour permettre de monter dès le matin les
castelets
qui immobilisaient toute une partie de la salle. L'utilisation du
restaurant pour présenter le spectacle à la fête du
collège a
aussi demandé un bouleversement complet des services puisque la
salle perdait près de la moitié de sa capacité.
Sans
cette implication de tous, même le triplement du budget n'aurait
pas
permis de mener ce projet à bien avec ce niveau de
qualité.
Vous vous
souvenez
du prototype de la langoustine ? Dans l'histoire, les
collégiens-poissons ont un cours de gym. La musique fait "tou
tou you tou"... Ah ! ça vous rappelle quelque chose ? Les
collégiens-poissons trouvent ça trop mou, et dans leur
télé surgit une langoustine avec des cheveux noirs et une
paire de lunettes rondes qui va les entrainer dans
un Gangnam-Style effréné.
Voici
Déchectus sur son pied, avec son manipulateur. La gueule
grande ouverte permet aux poissons d'y entrer et de disparaitre
une fois qu'elle est fermée.


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